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Parc Régional
La Cigogne noire s’installe progressivement dans les forêts des Vosges du nord
La Cigogne noire est une espèce migratrice transsaharienne présente dans l’Est de la France de fin février à septembre. Farouche et silencieuse, elle vit loin des villages et des hommes, contrairement à sa cousine la cigogne blanche. Elle fréquente plutôt les forêts profondes. Sa distance de fuite est estimée à plus de 300 mètres, ce qui rend les observations directes rares. Les couples présentent une grande fidélité à leur zone de reproduction mais changent fréquemment de nid, qu’ils construisent haut dans un arbre ou sur une falaise, ce qui rend difficile également le suivi de la reproduction sur la durée.
Les deux premières années de vie des oiseaux sont particulièrement critiques, seuls 30 % des jeunes survivent. Les populations se développent surtout grâce à la forte longévité des individus qui arrivent à l’âge adulte (jusqu’à 25 ans en liberté). La Cigogne noire dépend également de la présence de zones humides et se nourrit essentiellement dans les petits ruisseaux forestiers où elle pêchechabots, truites, lamproies ou écrevisses en fouillant parmi les cailloux, les embâcles et les sous-berges.
Cette espèce, inscrite «danger» sur la liste rouge des oiseaux nicheurs de France, est une espèce extrêmement sensible au dérangement en particulier au début de la période de reproduction. C’est pourquoi, il y a très peu de communication sur la découverte de nouveaux nids qui sont des données dites «». Elle niche de manière certaine dans le massif forestier des Vosges du nord depuis 2013. En 2015, un couple s’installe dans la partie bas-rhinoise du Parc et élève avec succès 3 jeunes (première nidification en Alsace).
Au printemps 2018, une étude commune LPO - ONF - Parc naturel régional des Vosges du Nord (PNRVN) a été lancée. Des pièges photographiques ont été posés sur deux ruisseaux considérés comme particulièrement intéressants pour l’alimentation de la cigogne noire, l’un dans le Bas-Rhin, l’autre en Moselle. Le but de cette étude était de vérifier que la Cigogne noire utilise de manière significative ces sites comme zone de gagnage (où elles viennent s’alimenter) et de recueillir des informations sur la fréquence d’utilisation de ces ruisseaux. Le suivi s’est déroulé de mi-juin à début octobre, il a permis de recueillir de nombreuses données de cigognes noires et d’observer des juvéniles suivre un adulte en activité de pêche.
Après ces débuts prometteurs, les travaux sur l’espèce se sont poursuivis au printemps 2019, grâce à des crédits européens du programme Natura 2000. Pour mieux évaluer la présence de la cigogne noire dans les Vosges du nord, sept ruisseaux ont été équipés de pièges photographiques sur l’ensemble du territoire. Ces dispositifs ont permis d’identifier des sites très favorables à l’espèce et ainsi faciliter la mise en œuvre d’une opération de capture d’un individu adulte. Un mâle, baptisé Storm, a ainsi été attrapé à l’aide d’un filet à déclenchement à distance et a été équipé d’une balise GPS/GSM. Celle-ci a permis de suivre tous les déplacements de l’oiseau au cours des mois suivants. Cette opération s’est faite dans le cadre d’un programme de baguage du CRBPO (Centre de Recherche sur la Biologie des Populations d’Oiseaux) qui a débuté en 1995, en lien étroit avec le réseau européen, porté actuellement par une seule personne habilitée en France. Le but était là de caractériser finement le domaine vital des adultes reproducteurs, d’identifier les principales zones de gagnage et de découvrir potentiellement un nouveau nid.
Malheureusement, l’individu capturé n’était pas reproducteur en 2019, il n’a donc pas apporté toutes les réponses à l’ensemble de la problématique posée. Cependant, la balise a permis d’acquérir de nombreuses connaissances et d’identifier plus de 60 sites de nourrissage. Il a également été possible de suivre, les importantes pérégrinations estivales de Storm. Après avoir fréquenté les Vosges du nord un long moment, celui-ci a rejoint le Parc naturel régional de Lorraine puis la Meuse au-delà de Bar-le-Duc. Fin août, l’oiseau a débuté sa migration pour arriver enquarantaine de jours sur son site d’hivernage en Afrique de l’Ouest entre le Mali et le Sénégal. En chemin, il effectuera une halte de trois semaines dans l’Yonne, puis traversera finalement les deux tiers de la France en trois jours et traversera l’Espagne en cinq jours.
L’analyse des sites de gagnage intéresse particulièrement le PNRVN qui est très actif dans le domaine de la restauration des rivières (rétablissement de la continuité écologique, amélioration de la fonctionnalité des milieux) et de la préservation des zones humides.
En effet, la cigogne noire est une espèce emblématique à la croisée des enjeux de préservation des forêts et des cours d’eau et les données recueillies permettront d’orienter les futurs plans d’action en faveur des cours d’eau et éventuellement proposer de nouvelles mesures de protection ou de gestion des espaces les plus favorables à l’espèce.